21.06.2021
Dirigeant ou futur dirigeant, vous qui évoluez dans le monde à la fois merveilleux et énigmatique de l’entreprise, peuplé de conseils et de spécialistes, fixez le cap et partagez-le avec votre équipage. Car avoir la sensation d’être balloté au gré de conseils contradictoires, de perdre le fil ou le contrôle, n’est pas inéluctable.
En matière d’expertise-comptable, et de conseil en général, la sur-spécialisation s’accroît, multipliant les intervenants et les interventions. Il en résulte entre vous et vos différents interlocuteurs des difficultés issues d’incompréhensions, de communication insuffisante, de méconnaissance des pratiques et parfois des textes. Dès lors, comment composer avec cette complexité et ses implications techniques et psychologiques, finalement très humaine ?
Pas de formule magique, mais de solides convictions…
On oublie le pourquoi en se focalisant sur le comment : éléments de réflexion
Chez Terre de Conseil, nous envisageons chaque problématique dans sa globalité, parce que nous sommes conscients qu’il ne s’agit pas uniquement de savoir comment répondre à vos besoins, encore faut-il savoir pourquoi nous sommes appelés à le faire.
L’idée selon laquelle il convient de traiter les différents sujets de manière distincte, comme par tube, est un malentendu fondamental entre entrepreneurs et professionnels du chiffre. Il est ainsi d’usage que les conseils financiers, fiscaux, comptables, sociaux, juridiques, patrimoniaux, soient prodigués isolément, chaque profession selon sa technicité propre et donc… son tube. Les différents métiers, statuts, professions et ordres entretiennent dès lors une vision parcellaire de la réalité de l’entreprise.
Dans la pratique, cette approche fragmentée, dont les multiples points de vue engendrent des distorsions énormes, abîme, voire détruit, la compréhension de l’attente, du problème. Elle ne peut par conséquence représenter une solution adaptée. Raisonner de façon binaire en classant ce qui est bien, ce qui est mal, les problèmes et les solutions, les imperfections et les optimisations, l’immobilisme et le mouvement, s’avère vain. La réalité n’est pas monochrome.
Les disciplines nécessaires au fonctionnement de l’entreprise atteignent en outre une complexité telle qu’il devient presque impossible pour le dirigeant de les appréhender toutes en profondeur. Et d’ailleurs ce n’est pas le rôle de l’entrepreneur. Parrallèlement, le temps s’accélère, les exigences de performance se multiplient et le recul indispensable à la vue d’ensemble se raréfie… C’est ainsi qu’est progressivement apparue une inadéquation entre la demande de conseil et les enjeux réels, moins bien identifiés. Le comment faire prend le pas sur le pourquoi.
Et c’est bien de cela dont il s’agit. Le client d’une demande de service n’a pas le temps de considérer ni d’exposer le pourquoi : on lui sert le comment sans se soucier du pourquoi, partant du principe qu’il le sait, lui. Cette réalité se transpose avec des dégâts en matière de conseil financier, fiscal, comptable, social, juridique, patrimonial, etc.
Illustrons cet aveuglement par quelques écueils communément rencontrés
Une demande de recours au CDD
Un client appelle son expert-comptable pour faire établir un CDD. L’expert-comptable recueille les informations nécessaires comme le motif de recours au CDD, les horaires, le salaire, la qualification, et s’acquitte de sa tâche.
Où est l’erreur ?
L’expert-comptable, en répondant ainsi à la demande de son client, suppose que ce dernier maîtrise les motifs de recours à un contrat à durée déterminée et présume que c’est la solution la plus appropriée à la situation présente. Le dirigeant, de son côté, compte sur l’expert-comptable pour l’avertir d’une potentielle erreur d’interprétation et d’usage. L’expert a-t-il fait son travail technique ? Oui, sans doute. A-t-il fait son travail de conseil ? Non, sans nul doute. Cette perception est d’autant plus forte que le dirigeant a de l’expérience : lui et son conseil fonctionnant sur des a priori erronés… mais qu’ils partagent !
Le pourquoi devient une question de perspective. Le dirigeant pense que s’il y a quelque chose à revoir dans le pourquoi, l’expert-comptable le lui dira. Ce dernier pense que le client maîtrise le pourquoi. Et ils voguent ainsi de conserve dans un océan de malentendus les conduisant, au mieux, à l’insatisfaction, au pire, à la critique, à la remise en question, à la séparation. A fortiori, sans s’interroger sur le pourquoi, le client trouvera prochainement un comment sur Internet. L’issue fatale de la relation est annoncée.
Le recours à la SCI pour un investissement immobilier
Prenons maintenant l’exemple des investissements en SCI. Le client interroge son expert-comptable sur comment structurer son projet immobilier. Cela constitue déjà une demande de pourquoi car nombre de clients demandent directement une SCI (ou choisissent de ne pas en faire) sans savoir le pourquoi. Les techniciens consultés répondent souvent… en tubes. L’expert-comptable en fonction de l’impôt récurrent, le notaire selon le patrimoine passif, l’avocat sur le plan juridique, et les amis au regard de leur propre expérience !
Le pourquoi est relégué au second plan, personne ne demande à l’entrepreneur où il veut en venir à terme. L’acquisition immobilière devient un acte dissocié du client, de ses projets, de ses envies, voire de ses capacités… Le comment s’apparente alors à un jeu de cartes qu’on tire plus ou moins au hasard en reproduisant ce qui a semblé fonctionner pour d’autres (et particulièrement sur le plan fiscal, où la mécanique de satisfaction client est activée par l’impôt économisé).
Client et conseils, une relation à réinventer
Lorsque les dirigeants semblent perdus, c’est parce que le comment ne fait pas écho à ce pourquoi non défini. En consultant un conseil en qui il a confiance, le client dirigeant s’exonère de cette distortion silencieuse. Le défaut d’analyse demeure mais il n’en a pas conscience. En en consultant plusieurs, il se met en situation de devoir faire un choix entre les solutions proposées, et donc de comprendre laquelle correspond le mieux au pourquoi. Souvent, sa confusion sur la définition du pourquoi le stresse, au point qu’il choisit en fonction du niveau de confiance qu’il accorde à chacun. La rationalité émotionnelle l’emporte sur la raison.
De son côté, le conseil doit impérativement s’interroger sur le pourquoi avant de traiter le comment. Et ainsi sonder les compétences, savoir-faire et savoir-être requis pour réussir ce challenge… Il en découlera un possible changement d’attitude, de position et de processus.
Nous évoquerons dans de prochains articles les conséquences de cette prise de conscience, ce que l’on appelle communément « se mettre à la place du client », la schizophrénie des clients (et la théorie du Titanic), les difficultés de l’interprofessionnalité (les tubes partagés) et les autres soucis de nos océans quotidiens.
Olivier Sanchez
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